Mathieu Terence / le Talisman

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Ce qu’il y a de remarquable dans l’œuvre de Mathieu Terence se rattache à sa tenue. Cette œuvre se tient à la fois droite et protéiforme dans le but qu’elle poursuit. Aucune reddition littéraire. Elle ne dévie pas. De livre en livre, l’auteur trame les fils d’une quête où se mêlent essais, matériaux autobiographiques, philosophie et saisie d’un temps, de notre époque dans une démultiplication des points de fuite pour tenter d’en extraire une vérité. L’auteur est en quête. Son sujet est l’existence. Et son approche, même quand elle se situe dans la veine autobiographique, comme son dernier roman Le Talisman, déborde toujours et de loin l’egotrip ou les petites histoires sentimentales dont nous gave aujourd’hui la production littéraire française.

Le Talisman commence sur la mort de Farrah, jeune femme flamboyante, faussement sauvage, irritante et fascinante parce que vivante. Se souvenir d’elle est pour l’auteur la possibilité de déterrer un fil autobiographique, d’évoquer une succession de portraits féminins et de constater que le plein de vie, souvent, dérange ou ennuie. Et ce geste provoque tout au long du livre des gerbes de terres qui, loin d’enterrer Farrah, disséminent et poudroient une écume pleine des réminiscences d’une vie où se trouver devient difficile. Des femmes aimées aux anorexiques côtoyées pendant son travail, Mathieu Terence fixe une féminité indomptée ou malmenée. Mais chez lui les faits ne s’installent jamais au firmament d’une poésie ou d’un chant dépassé à la gloire de la disparue, aucun Memento mori ; ceux-ci s’inscrivent, décrivent et écrivent notre société. Cette disposition de Mathieu Terence est précieuse parce qu’elle se situe entre la plus solide pensée et la plus grande sensation. Ce faisant, il n’obéit pas au monde et à ses sentences, mais le questionne en permanence.

« Il ne s’agit pas d’échapper à la mélancolie, il s’agit de ne pas lui céder », écrit l’auteur. Dès lors, il convie ses obsessions intellectuelles, sa capacité à fixer jusqu’aux détails et leurs écarts l’amorce d’une sensation pour établir un traité de présence au monde. Ainsi, son geste oscille entre l’esquisse d’une déhiscence féminine qui lui sert de révélateur – et peut-être de miroir – et la parfaite analyse des petits soubresauts sociaux qui n’aiment rien d’autre qu’à crucifier la différence.

«  La tâche de l’artiste, mais de tout homme, est celle d’empêcher que le miracle ne meurt… ». C’est aussi pourquoi Mathieu Terence convoque dans son livre en quête son propre code. Ce qui le maintient vivant et droit. À la manière d’un samouraï, il revient sur ses amours intellectuelles. Elles permettent le triumvirat qui fait le socle de son livre. L’équilibre advient entre l’obsession féminine, l’esquisse d’une société toujours plus médiocre et la recherche d’un esprit du temps. Et ces trois voix sont un tout. Un talisman, un mouvement musical porté par l’écriture de la mort de Farrah pour dire notre souffle.

John Jefferson Selve

 

 

 

 


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Aomi Muyock par Giasco Bertoli pour PI vol IV

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